Lundi 31 décembre-vendredi 18 janvier 2019 soit 2 semaines et 4 jours, la population congolaise en général et les kinois en particulier, totalise 18 jours sans accès à internet. Une situation expressément voulue par les dirigeants du pays moins de 24 heures seulement après les scrutins du 30 décembre dernier. Raisons avancées : mettre un terme aux diffusions en cascade sur les réseaux sociaux des procès-verbaux des élections et d’autres rumeurs sur le déroulement desdites élections. Ces interactions constantes sur la toile, ont-ils ajouté, pouvaient créer une situation ingérable aussi pour les autorités que pour la population.
Bien que ce ne
soit pas la première coupure d’internet, celle-ci comme les deux précédentes
sont décriées. Les alertes fusent de partout. Les ONG de droit de l’homme
crient à la violation de liberté d’expression. La population également. Même
les tenanciers des petites et moyennes entreprises (PME) qui exercent sur le
digital (internet). Ces mesures tendant à protéger les uns et les autres contre
des « intox » et « désinformations », sont cependant un
grand frein à leurs activités quotidiennes. Internet étant devenu un outil très
important dans le fonctionnement de beaucoup d’organisations.
Ne sachant donc
pas à quel saint se vouer, quelques-uns ont préférés exprimer leur ras-le-bol Ã
Forum des As. Micro-baladeur !
Fally Musebe, graphiste-designer et propriétaire de marque « Kinshasa
Clean »
« Nous vivons dans une époque où l’internet
joue un rôle primordial dans le domaine du commerce. Moi par exemple, ma marque
est spécialisée dans la création des prêt-à -porter. L’internet constitue mon
principal moyen si pas mon seul canal de communication. C’est grâce à ça que
j’expose pour mes prospects et espère par la suite un retour favorable. Dommage
que l’interruption du signal soit intervenue au cours de cette période de vœux pendant
laquelle j’enregistre d’importantes commandes. Je ne peux rien, je suis au
chômage technique, si je peux me permettre de l’appeler ainsi »
Héros Kimbambe, propriétaire d’un nouveau média en ligne « Sunrise
RDC »
« Je suis très déçu par la mesure de coupure
d’internet. Trouver un job est un parcours de combattant. Comme beaucoup
d’autres jeunes congolais, je viens de mettre au point ma boite. C’est un média
en ligne. Et comme tout le monde le sait, sans internet, notre secteur ne peut
exister. Même si l’équipe se bat pour mettre des news en ligne, on n’a pas nos
lecteurs pour nous lire car ils n’ont pas accès à internet. J’ai décidé de
renvoyer mon personnel chez lui car il n’y a pas moyen de travailler. Nul
n’ignore que ces mesures tendaient à nous protéger. Mais il semble que la menace
est écartée. Qu’on pense finalement à nous réhabiliter le signal. Car pour
beaucoup il s’agit de l’unique gagne-pain »
Josué Mata, Digital manager dans une agence de communication de la place
« Nous sommes en congé technique. Sans le
voir. On ne sait plus effectuer les entrées dans la caisse de l’entreprise. On
ne sait donc pas si l’employeur va nous payer normalement car sans le vouloir
nous n’avons pas travaillé durant deux semaines et un jour soit un demi mois.
On ne sait pas si cela va demeurer combien de temps »
Gabriel Ikando, étudiant en première année de Droit de l’Unikin.
« Personnellement, je pensais que les choses
seraient remises dans l’ordre avant la rentrée académique prévue lundi dernier.
Malheureusement pour nous ce n’est pas le cas. Je ne dis pas non plus que
passer du temps dans les bibliothèques étaient mauvais mais avec internet la
recherche est plus facile, plus simple et plus rapide. Ça permet de gagner du
temps et d’importer les livres de la bibliothèque chez soi. Juste pour dire
qu’on est en grande difficulté sans connexion internet »
Jolga Luvundisakio, web-journaliste à Congo profond
« L’audience de notre média a dégringolé. Nous sommes obligés de
parcours des kilomètres pour maintenir notre site-web actif. Car le signal
existe dans certains coins privilégiés de la ville. Mais malgré cela, il saute
aux yeux que nous ne publions que pour un petit groupe de gens. Nous espérons
revenir à la situation normale où nous informons la population et qu’elle en
profite pour se mettre en harmonie avec sa société et ses concitoyens »
Eloise Wasso, mère de famille
« Il faut reconnaitre que cette coupure
d’internet a son bon côté. Depuis peu, j’observe que le climat a changé au sein
de ma famille. Il y a plus d’intérêt entre les membres de mon foyer que quand chacun avait ses yeux fixés sur
l’écran de son smartphone. Même si beaucoup d’activités en pâtissent, vivons
encore comme ça un tout petit peu »
Gislain Sulu, programmeur web
« C’est l’usage abusif de l’outil internet qui nous a conduit Ã
ceci. Nous autres qui avons pour travail nécessitant la présence d’internet en
sommes les vraies victimes. Nous sommes obligés de tout stopper et nous ne savons
pas pour combien de temps. Le plus dur ce que cela s’est fait il y a quelques
temps, et s’est reproduit sans préavis. Comme si nous n’avions pas des droits.
Ces 15 jours de non-activités constituent une grande perte pour moi »
Beaurelle Kabeya, manager de « Serie on ligne »
« J’ai été obligé par cette coupure du signal
d’internet de mettre fin à mon commerce de vente des séries et filmes en ligne.
Toute mon entreprise est en ligne. Dommage que j’ai tout arrêté. Je ne sais
rien. Ni annoncer mes arrivages. J’espère que la situation pourrait se rétablir
au courant de la semaine pour me permettre de m’auto-prendre en charge »
Propos recueillis par Bahati KASINDI/FDA